Quel est le point commun entre Anish Kapoor, Maurizio Cattelan et Jeff Koons ?
Ces artistes de renommée internationale, dont les œuvres se vendent à coups de millions, font partie des fers de lance de l’art de ce début de siècle. Leurs noms sont connus même parmi ceux qui n’ont pas une culture artistique des plus pointue.
Mais une autre similitude entre ces artistes est souvent occultée : ils ne réalisent jamais leurs propres œuvres.
Les 3 degrés d’artistes
Avant de revenir plus en détail sur ce que je viens d’évoquer, j’aimerais faire la distinction entre 3 degrés d’artistes :
La première catégorie, c’est ceux qui exercent un métier à temps plein (le plus souvent professeur/assistant) et consacrent moins de la moitié de leur temps à leurs projets artistiques. Leurs œuvres ne leur rapportent pas beaucoup d’argent, mais ils ont un avantage sur les autres catégories d’artistes qui est la sécurité de l’emploi. Leur salaire est garanti et ils sont moins soumis aux aléas de la carrière d’artiste et de la conjoncture économique.
Certains se stabilisent dans cette voie et cela devient pour eux un choix de vie permanent. Pour d’autres par contre, ce n’est qu’une étape intermédiaire, un tremplin avant d’aller plus loin dans sa carrière d’artiste. Bien sûr, il faut le vouloir.
Il y a ensuite une deuxième catégorie d’artistes : les indépendants. Ils reçoivent des mandats de clients qui leur passent une commande, en échange d’une rémunération. Ils utilisent leurs techniques artistiques qu’ils mettent au service d’un commanditaire pour lequel ils exécutent des mandats. Ce système leur permet de rester dans leur domaine de prédilection (photo,musique etc), d’être indépendants et de pouvoir en parallèle travailler un peu sur leurs projets personnels.
Cependant, bien qu’il puisse rapporter beaucoup d’argent, ce système a deux désavantages:
- Vous devenez dépendant de la conjoncture économique
- Il peut dénaturer votre art (musicien qui compose des jingles pour une publicité d’assurances par exemple).
Pour ceux qui aspirent à travailler principalement sur leurs propres projets, il existe une troisième voie, accessible à une poignée d’élus:
Le stade des artistes à 100 %. C’est le graal, des gens qui travaillent surtout sur des projets personnels. Ils peuvent prendre des commandes, mais contrairement aux stades précédents d’artistes on fait appel à eux pour leur concepts, leur savoirs et leur réputation. Leur rémunération et leur notoriété peuvent varier mais ils sont tous autonomes en tant qu’artistes.
À mesure que leur réputation grandit, ils s’entourent davantage d’assistants. Dans certains cas, ils ont une équipe qui effectue la plus grande partie des tâches à leur place et qu’ils doivent rémunérer. Ce qui leur permet de créer des œuvres grandioses et impressionnantes.
Anish Kappoor, Maurizio Cattelan et Jeff Koons sont des artistes à 100% et les œuvres qui les ont propulsés au sommet ont été fabriquées par d’autres.
Est-ce de la triche ?
Prenons plus concrètement le cas de l’artiste Italien Maurizio Cattelan et de 2 œuvres qui ont fait sa notoriété. La première c’est La Nona Ora, une sculpture datant de 1999 et représentant le pape Jean Paul II écrasé par une météorite.
Nona Ora de Maurizio Cattelan, photo de historia-arte
La deuxième, c’est “him”, une statue de résine de 2001 mondialement connue représentant Hitler en enfant pénitent.
Ces 2 œuvres ont été commandées par Cattelan à Daniel Druet, un sculpteur français relativement peu connu.
Dans un reportage sur Arte intitulé “Qui a fabriqué Hitler ?”, Druet explique qu’il a réalisé « Him » de A à Z et que la seule contribution de Cattelan se limitait à une petite description conceptuelle d’une dizaine ligne envoyée par fax.
“Him”, de Maurizio Cattelan
Druet a facturé son travail quelques dizaines de milliers d’Euros, Cattelan quant à lui à trouver un acquéreur pour « Him » lors d’une vente aux enchères en 2016, pour pas moins de 15,8 millions de Francs Suisse !
Aux yeux du grand public, mais aussi aux yeux du monde de l’art, la paternité de l’œuvre revient entièrement à Cattelan.
En lisant cela, vous criez peut-être au scandale et vous pouvez légitimement vous demander s’il y a eu tricherie ? Est-ce que Cattelan est l’auteur véritable de ses œuvres ? Ne serait-il pas un imposteur ?
Cependant, les choses ne sont pas aussi simples.
Une pratique ancestrale qui prend de l’ampleur
Cette pratique qui peut paraître révoltante n’est pourtant pas nouvelle. Depuis toujours les artistes les plus connus bénéficient de l’aide d’assistants pour réaliser au moins la plus grande partie de leurs œuvres.
Par exemple, au 17 e siècle, quand Rembrandt se représentait seul tenant son pinceau dans le tableau : « Le peintre dans son atelier » on pourrait imaginer qu’il était vraiment seul et avait réalisé son œuvre sans l’aide de personne. Hors, des dizaines d’assistants non représentés et non crédités, l’aidaient à mettre en forme le tableau. À l’époque, les ateliers des plus grands artistes étaient déjà de véritables petites entreprises.
Pour « Le sacre de Napoléon » de 1807, David n’a peint que les visages, tout le reste (décors, corps) a été exécuté par ses assistants/élèves.
Le sacre de Napoléon de David
Même s’ils avaient besoin de beaucoup d’assistants pour créer leurs œuvres, Rembrandt et David ont quand même mis la main à la patte.
D’autres par contre ont poussé la délégation encore plus loin. C’est le cas entre autres du peintre Victor Vasarely (1906-1997), qui à une certaine période ne se rendait à son atelier qu’une seule fois par mois et seulement pour signer certaines créations.
Bien qu’un cas comme celui de Victor Vasarely soit extrême, on ne peut nier qu’aujourd’hui avec des commandes et des œuvres de plus en plus démesurées, les artistes ont tendance à contribuer de moins en moins à la réalisation de leurs œuvres. Pour réaliser des monuments aussi gigantesques que “Cloud Gate” d’Anish Kapoor il faut une véritable armée d’assistants aussi bien pour l’exécution technique que pour des aspects moins artistiques (gros œuvre, travail du métal, manutention, administration, comptabilité…).
Cloud Gate, Anish Kapoor
Voulez-vous être un artiste ou un exécutant ?
Cattelan et ses comparses ne sont donc pas des imposteurs pour la simple raison que dans le monde de l’art, c’est le concept, l’idée qui prévaut sur tout le reste y compris ceux qui ont trimé dur et ont apporté leur expertise technique et leur savoir pour exécuter la vision de l’artiste.
La frontière entre l’artisanat et l’art, entre le créateur et le créatif, entre l’exécutant et l’exécuteur peut parfois paraître ténue, mais elle n’en est pas moins immuable.
La paternité d’une œuvre reviendra toujours à son concepteur et ce, peu importe son degré de contribution à son accomplissement.
Si vous mettez votre talent au service de quelqu’un d’autre, même en tant qu’indépendant, vous ne serez jamais un artiste véritablement libre !
Par exemple, si vous êtes un photographe qui a l’œil artistique, mais que vous prenez des photos d’aliments pour le compte d’une chaîne alimentaire ou des photos de stars pour des magazines, vous êtes plus dans le documentaire. Dans ce cas-là vous êtes toujours un photographe, mais vous n’êtes plus un artiste à part entière.
Pour en revenir au cas de Daniel Druet, on peut voir à la fin du reportage sur Arte, qu’il a réalisé sa propre sculpture : “Le coucou”. Cette œuvre est une caricature représentant Cattelan avec un nez disproportionné qui éclos d’un œuf, Druet veut à travers cette œuvre dénoncer le système décrit dans cet article.
Quand Daniel Druet exécutait des œuvres pour le compte Cattelan, il était un artisan, quand il a réalisé le coucou il est devenu un artiste à part entière, vu que le concept du coucou venait de lui.
Un artiste doit savoir déléguer
Vous avez du talent et vous êtes capable de réaliser des œuvres de qualité ? À un moment donné il faut donc vous demander s’il vaut mieux continuer de travailler pour les autres ? Ou commencer à travailler pour vous-même ?
Si vous persistez dans la première voie, vous ne serez jamais plus qu’un simple artisan et bien sûr, vous pouvez vous en trouver bien.
Par contre, si vous voulez vous construire une carrière artistique d’envergure, il faut apprendre à déléguer et à sous-traiter des tâches qui peuvent être effectuées par d’autres, car vous devez pouvoir vous concentrer en priorité sur ce qui fait votre force en tant qu’artiste: votre art.
La délégation peut commencer par les besognes administratives et la comptabilité. En effet, en plus de vous accorder davantage de temps à consacrer à votre art, déléguer ce genre de charge vous libérera d’un véritable fardeau moral. Un autre avantage de commencer la délégation par ce genre de tâches, est qu’il existe des solutions en ligne pour les déléguer à moindre coûts, contrairement aux travaux manuels et artisanaux.
En vous débarrassant des corvées les plus chronophages, votre travail artistique prendra de l’ampleur et vous entrerez dans un cercle vertueux.
Quand je me suis enfin décidé à devenir un artiste libre, la première chose que j’ai faite c’était de recruter un comptable. Grâce à cette décision, tout le temps que je perdais à me battre contre des moulins à vents pu être consacré à mes propres projets artistiques.
Pour aller plus loin
Pour devenir un artiste à 100% vous devrez lever des fonds, vous entourer de gens compétents et trouver un espace de travail (atelier), afin de vous consacrer en toute sérénité et à 100% à votre art.
C’est seulement en mettant en place un tel environnement, propice à la création que vous arriverez à faire un travail de qualité.
Si vous voulez devenir un artiste à 100% et que vous ne savez pas vraiment par où commencer, je peux mettre quelques outils à votre disposition pour vous aider.
Tout d’abord, je vous invite à télécharger mon guide sur les levées de fonds et à lire mon article sur les 5 règles à suivre pour le financement de vos projets artistiques.
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