Les revenus des artistes sont souvent inégaux. Un jour, on peut avoir une somme d’argent conséquente sur son compte en banque, puis le lendemain, se retrouver sans le sou.
J’en ai moi-même fait l’amère expérience.
À mes débuts, j’ai réussi à collecter 4000 Euros à la suite d’ une levée de fonds. À cette époque, où je vivais de petits boulots qui me rapportaient à peine de quoi subsister, ces 4000 Euros étaient une véritable bouffée d’air frais.
Mais je suis tombé dans un piège. Cette rentrée d’argent salutaire, après de longues périodes de privation, m’a poussé à dépenser sans compter. Inconsciemment, je me comportais comme si j’avais un chèque en blanc et j’ai dépensé mon argent de manière effrénée, jusqu’à ce qu’il ne me reste plus rien.
Une fois mon compte bancaire vidé, je ne voyais pas vraiment où était parti l’argent.
Bien sûr j’ai consacré une partie de la somme pour acheter du matériel pour mon travail artistique. Mais pour tout le reste, je n’ai pas vraiment maîtrisé les coûts. Je vivais le moment présent sans tenir compte du lendemain.
Dans le roman « La Dames aux Camélias » d’Alexandre Dumas, il y a une citation qui illustre ce pouvoir à double tranchant de l’argent:
« N’estimez l’argent ni plus ni moins qu’il ne vaut: c’est un bon serviteur et un mauvais maître. »
« La Dames aux Camélias » d’Alexandre Dumas
Cet adage est devenu un de mes leitmotivs. C’est en acquérant la maîtrise de mon argent, que j’ai pu sortir de la galère et devenir un artiste qui vit dignement et confortablement de son art.
J’ai acquis cette maîtrise en appliquant les 3 règles suivantes:
- Arrêter me comporter comme un salarié
- Faire la distinction entre les actifs et les passifs
- Appliquer la loi de Pareto ou règle des 80/20
Arrêtez de vous comporter comme un salarié
Beaucoup d’artistes qui débutent pensent inconsciemment que les rentrées d’argent des levées de fonds seront régulières. Ils gèrent les fonds perçus comme des salaires mensuels.
Le cas d’un jeune ami artiste me vient à l’esprit. L’année dernière, il a obtenu 10000 Euros grâce à une bourse. Pendant 5 mois, il a dépensé ses fonds comme s’il disposait d’un budget mensuel de 2000 Euros pour toutes ses dépenses et la plus grande partie de ses fonds est partie dans les dépenses de la vie courante. Un peu comme le ferait un jeune salarié qui vient de décrocher son premier emploi.
Cette façon de gérer ses fonds est contre-productive.
L’artiste qui a récolté 10000 Euros, n’a pas perçu 4 mois de salaire, qu’il pourra consommer en 5 mois. Il a récolté 10000 Euros de fonds de trésorerie.
Ces fonds sont avant tout une matière à exploiter.
Un artiste doit réfléchir à la meilleure façon de répartir ses fonds entre les dépenses essentielles de la vie quotidienne (factures, dépenses courantes…), et celles qui lui permettront de les mettre au service de son art (achat de matériel). Il doit aussi prévoir un matelas de sécurité financière, c’est-à-dire des fonds qu’il pourra utiliser en cas d’urgence.
Ce fond d’urgence est d’une grande importance, car en période de disette il permet à l’artiste de subvenir à ses besoins, et d’envisager plus sereinement l’avenir.
Si mon ami m’avait consulté à l’époque, voici la structure de dépense que je lui aurais recommandé:
Matériel : 3000 Euros
Factures, abonnements et charges: 2000 Euros
Loisirs: 2000 Euros
Et je lui aurais recommandé d’économiser 3000 Euros pour son matelas de sécurité.
Pour réussir dans votre carrière artistique, vous devez arrêter de penser comme un salarié qui dispose d’un revenu stable et commencer à structurer votre budget pour mieux faire face aux contraintes de la carrière d’artiste.
Faîtes la distinction entre l’actif et le passif
Si vous voulez vivre de votre art, vous devrez investir votre argent dans les actifs et limiter vos passifs à leur strict minimum.
La notion d’actif et de passif permet de faire le tri entre les dépenses nécessaires et les dépenses superflues.
Quand je parle d’actifs et de passifs, ce n’est pas vraiment au sens comptable de ces termes (surtout pour le passif), mais plutôt à la manière dont l’auteur Américain Robert T Kiyosaki les a définies dans son ouvrage Père riche, Père pauvre.
- L’actif, c’est l’ensemble des ressources qui permettent de générer directement ou indirectement des rentrées d’argent
- Le passif c’est celles qui sont superflues et ne vous apporteront rien
Un actif peut devenir un passif, selon l’usage que vous en ferez.
Par exemple pour un game designer, un ordinateur dernier cri à 2000 Euros est un actif quand il l’utilise pour concevoir des jeux vidéo. Cet ordinateur est un outil de travail, qui lui permet de générer des revenus.
En revanche, le même ordinateur deviendra un passif si il l’utilise surtout pour surfer sur les réseaux sociaux ou pour regarder des séries sur netflix.
Vous l’aurez compris, privilégier les actifs ce n’est pas seulement faire les bons choix d’achats et de dépenses. Il s’agit aussi du degré d’implication et de discipline que vous êtes prêts à mettre dans votre travail d’artiste.
En somme, faîtes tout ce que vous pouvez pour limiter les passifs et privilégier les actifs. Ainsi, vous travaillerez plus efficacement et vous procrastinerez moins. Vos journées seront plus satisfaisantes car vous aurez mis votre temps au service de mon travail artistique.
Notion de 80/20 ou loi de Pareto
La loi de Pareto est un principe très courant en économie qui se présente comme tel : 80% des résultats sont le fruit de 20% des actions. Par conséquent, on peut dire aussi, que 20 % des actions vont générer 80 % des revenus. Bien sûr ces chiffres ne sont pas fixes, pour certains par exemple 10 % des actions vont générer 90% des résultats, mais le principe de base reste le même pour tout le monde: la majorité des résultats sont générés par seulement une minorité d’actions.
Pour être plus efficace, un artiste devra privilégier les activités clées (key activities), qui lui apporteront plus de résultats. Généralement il s’agit des activités qui ont un lien direct avec son métier d’artiste, comme la création d’œuvres et la constitution de dossiers de levées de fonds. De préférence, l’artiste devra aussi éliminer ou sous-traiter les activités qui sont superflues et chronophages et pour lesquelles il n’est pas doué.
Un exemple d’action chronophage qui n’a aucun impact direct sur mon art qui me vient à l’esprit c’est la comptabilité.
C’est quelque chose que j’ai en horreur, mais malheureusement c’est quelque chose qui doit être fait chaque année ne serait-ce que pour être en règle vis-à-vis des autorités fiscales.
Jusqu’à l’an dernier je faisais ma comptabilité annuelle moi-même.
Chaque année j’étais obligé de réapprendre les écritures et les règles comptables.
Chaque année, je passais plusieurs jours à revérifier, à corriger et parfois même à tout recommencer de zéro.
Chaque année, j’étais démoralisé et je procrastinais devant l’ampleur de la tâche qui m’attendait.
Parfois il me fallait plus d’un mois pour finir toute ma comptabilité et cela réduisait le temps que je pouvais consacrer à mon travail artistique.
Mais cette année, j’ai décidé de déléguer cette tâche à un expert-comptable. Pour 300 Euros, il réalise toute ma comptabilité annuelle en quelques heures. Et grâce à lui je n’ai plus à perdre plusieurs semaines à le faire moi-même.
Ce temps gagné je peux le consacrer à mes créations artistiques et à d’autres activités qui contribuent directement ou indirectement à mon art.
Si vous en avez les moyens, déléguez ce genre de tâches ingrates et chronophages quand elles freinent trop votre carrière artistique.
Conclusion
En arrêtant de vous considérer comme un salarié, en privilégiant les actifs et en tenant compte du principe de Paretto, vous vous épanouirez dans votre vie quotidienne et dans votre carrière artistique
À titre personnel, cette démarche m’a permis de comprendre que quand je travaille sur un projet artistique, je travaille aussi un peu sur mes dossiers.
À propos de dossiers, je vous propose de télécharger le Guide de levée de fonds à l’intention des artistes et créateurs en remplissant le formulaire ci-dessous.